3. La bicyclette, parcelle d'univers et de feu céleste: l'apothéose finale Le tableau cosmique s'accompagne de la fusion de ce qui au début était bien séparé, individualisé: bicyclette, décor, nature et cosmos se confondent. Le vélo s'élargit aux dimensions du monde: ses roues sont des ? astres en fusion ? (? gouttes d'or ?, ? grappes d'étincelles ?). Il devient soleil. Le glissement s'opère grace à la polysémie du mot ? rayons ?, lesquels désignent à la fois une partie du vélo et les rayons du soleil. 4. Le monde métamorphosé par le miracle de l'écriture poétique C'est l'écriture poétique qui réalise ce miracle. Le poème na?t d'une perception involontaire: ? On voit ? (v. 3); puis le regard se fait observateur et se dirige du plus large au plus précis, pour enfin devenir inquisiteur et ? pénètre[r] ? dans les lieux, passant de la ? rue ? à un ? corridor ?, puis à un ? jardin ?, et enfin à un ? vélo ? avec ses détails (gros plans sur ? le guidon ?, les ? roues ?). La composition du poème est ensuite calquée sur les mouvements de la pensée, qui passe du décor (v. 1-6) au vélo (v. 7-9), puis du décor (v. 10-14) au vélo transfiguré (v. 15-21).
Le poème répond à la conception que Jean Cocteau (1889-1963) a de la poésie: ? L'espace d'un éclair nous voyons un chien, un fiacre, une maison pour la première fois. Voilà le r?le de la poésie. Elle dévoile dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement. ? ( Le Secret professionnel. ) Il répond aussi à l'image de Baudelaire qui définit ainsi le pouvoir poétique: ? Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or. ?
La lumière est donc un élément essentiel de la scène contemplée, elle contribue à la beauté du spectacle. Cette omniprésence de la lumière favorise par ailleurs la métamorphose du vélo. [... ] [... ] La bicyclette n'est plus un objet banal que nous connaissons mais quelque chose de beau et d'étrange qui nous entra?ne dans un autre monde. 2ème partie: la concentration de l'observateur Une présence discrète signalée par le pronom indéfini " on" = désir d'associer étroitement le lecteur à l'expérience personnelle. Il s'agit de montrer que le lecteur est lui ainsi en mesure de découvrir la beauté cachée des objets, d'adopter un autre regard sur eux. Une graduation dans les verbes qui suggèrent une concentration de plus en plus forte = une contemplation au sens fort du terme: "on voit" v. 3; "on pense? v. 14, "on devine? v. 17. ] Une dernière phrase très longue aussi vers) pour décrire l'envol du vélo. Conclusion: Jacques Réda a donc su, pour reprendre les termes de Jean Cocteau, débarrasser le vélo de l'épaisse " patine" qui nous en rendait la beauté et l'étrangeté insaisissables.
Le temps semble suspendu: le dimanche est un jour de repos, et c'est le soir (? à six heures ?, v. 1). L'impression de durée est intensifiée par le participe présent ? passant ?, le verbe ? continue de ? (v. 10-11) et le rythme lent de certains vers (sans coupes fortes). Seuls quelques repères indiquent une petite ? secousse ? temporelle: ? soudain ? (v. 1) suggère l'apparition de la vision et ? alors ? (v. 15) signale la mise en mouvement de la bicyclette. 3. La mise en scène d'une métamorphose Le tableau passe de l'ombre à la lumière, du ? noir ? à la couleur. L'? or ? se mêle au ? noir ? (vélo), et au ? vert et doré ?. Les effets de lumière suggèrent un monde de reflets (métaphore de ? se pulvérise ?) et sont rendus par des métaphores empruntées aux éléments: l'eau (? torrent, flots, gouttes ? suggèrent l'abondance), le feu (v. 11, 20: ? étincelles ?, ? astres ? suggèrent la force violente), qui sont parfois mêlés (? torrent de soleil qui roule / gouttes d'or ? aux vers 3-6, ? déverser à flots / doré ? au vers 11).
Les titres en couleur et les indications en italique servent à guider la lecture mais ne doivent pas figurer sur la copie. Introduction Amorce: Au xx e siècle, les arts, et la poésie notamment, sont à la recherche de nouveauté, avec les tentatives surréalistes et dada?stes. Ainsi, Cocteau préconise une poésie du quotidien mais qui ? dévoile ? le monde qui nous entoure par la magie des mots. Présentation du texte: Réda, dans son poème en vers ? La Bicyclette ?, choisit un objet du quotidien, banal, mais il en donne une vision tout à fait inattendue. Annonce du plan: Il commence par la décritre dans son cadre, dans sa réalité, puis il l'anime progressivement, la transfigure et ouvre le décor de cette mise en scène sur une vision cosmique, qui consacre les pouvoirs et le miracle de la poésie. I. Un objet du quotidien mis en scène et métamorphosé Le poète part de la description d'un objet ordinaire. 1. Une description objective? La bicyclette et ses diverses parties sont d'abord désignées par des mots techniques: c'est un ? vélo ?, un ? grand vélo noir ?, avec ses ? rayons ?, son ? guidon ?, ses ? roues ?.
Intro: Le poème de Jacques Réda intitulé " La bicyclette?, extrait du recueil Retour au Calme (1989). Nous montrons donc, dans un premier temps, comment à partir d'un cadre familier s'opère la transfiguration de la bicyclette, puis nous verrons comment le poète nous invite à partager cette expérience poétique ou la contemplation de l'objet débouche sur une rêverie intérieure. ]